Explications
Courmarine, dont je conseille le blog, tant pour la finesse d'écriture (les personnes qui écrivent bien gagnent d'office une place dans mon estime perso!) que pour la sensibilité, m'a laissé un commentaire à un de mes derniers messages:
"une question: qu'est-ce qui fait que tu tombes amoureuse de qqun qui te rend aussi malheureuse? est-ce que l'amour pour toi, c'est être malheureux?"
Autant essayer d'y répondre alors, n'est-ce pas?
Ca peut faire rire, sembler ridicule, mais je n'ai jamais eu de petit ami. Jamais. Pourtant, je ne suis ni un monstre, ni timide, ni prude, ni associale.
Et je ne tombe pas non plus amoureuse de mecs trop beaux pour moi. Frédéric a beaucoup de charme mais ce n'est pas un canon. Il n'a pas de tablettes de chocolat (enfin si, mais dans son ventre!), il n'est pas stylé, il n'est pas du genre à faire se retourner les minettes ou les gays en mal de bellâtre de papier glacé.
J'ai plutôt bon caractère, et j'arrive à m'entendre avec une majorité de personnes. On s'accorde à me trouver très drôle, très spéciale. Et pour cause, vu le gouffre que je cache... La seule personne qui sache tout ça, c'est Victor. Frédéric sait que je n'ai jamais couché mais il ne sait pas que je n'ai jamais eu de relation avec quiconque. Et qu'il est le premier à m'avoir touchée, caresser et embrasser.
J'ai en societé une facilité à avoir des relations de surface. Elles ne sont pas désagréables, elles sont même sûrement nécessaires. Même si elles n'apportent concrètement rien, si ce n'est de la détente, elles n'impliquent rien non plus.
Et puis, il y a ensuite toutes ces personnes, pas si nombreuses, avec qui je suis affectivement investie. Que j'ai peur de perdre.
Des personnes que j'aime. Plus que je ne le voudrais, ou plus que je ne le devrais. Parce qu'on n'aime jamais de trop, mais on se trompe souvent de cible.
J'ai été amoureuse trois fois.
Trois échecs.
J'aurais pu être avec un tel ou un tel. Julien, Jean, Marc. Il y a le voisin de Frédéric qui se précipite à sa fenètre dès que j'arrive ou cet ami à lui, venu deux fois à l'association, et qui a flashé sur moi au point de harceler Frédéric pour avoir mon numéro, savoir des choses sur moi. Il lui a dit que malheureusement je n'étais pas le genre de fille à être célibataire. On en rirait presque, non?
Etrange de pouvoir se dire amoureux en deux rencontres?
Parfois j'ai l'impression d'être frigide du sentiment. Ou totalitaire. Soit tout, soit rien. La première fois que j'ai vu Frédéric, il revenait à l'association après une coupure de deux ans où il avait mis son bénévolat entre parenthèse. Au début, il me faisait rire. Mais j'ai l'humour et le rire facile, donc ce n'est pas non plus un gage d'investissement de ma part. Puis sa conversation m'a plu, puis, puis, puis... Nous avons commencé à nous voir à l'extèrieur, pour aller boire un café. Pierre, un usager de l'association, a un jour eu une remarque qui m'a fait prendre conscience que, peut-être, je commençais à m'attacher beaucoup à lui. "Tout le monde sait que vous êtes amoureux tous les deux, il n'y a qu'à voir les regards que vous vous lancez. Tout le monde sait, sauf vous!"
Après la fête de noël, il était un peu plus de minuit, nous sommes allés finir la soirée chez mon co-stagiaire. Frédéric et moi étions assis dans le canapé et regardions des photos que nous montrait le co-stagiaire sur son PC. Collés ensemble parce que le canapé a un trou au milieu (une latte cassée). Par mégarde, ma main a touché la sienne, et quand j'ai voulu l'ôter, Frédéric l'a prise et l'a serrée en me caressant la paume avec son pouce. Je n'ai rien dit et nous avons fini le visionnage des photos comme ça. Personne n'a rien remarqué, nous avions une couverture sur nos genoux.
Une fois dans l'autre pièce, nous étions assis par terre, entre la table basse et l'autre canapé (le co-stagiaire vit en colocation, le PC est dans la pièce de son coloc). A bonne distance l'un de l'autre. A un moment, je me suis relevée pour me mettre sur le canapé. Et là, Frédéric a posé sa tête sur mes genoux, tout en restant assis par terre, et m'a caressé la bras, pendant que moi je lui caressais la nuque. Personne n'a rien dit, ni lui, ni moi, ni le co-stagiaire, ni le coloc.
Ca non plus ça ne justifie pas mon élan amoureux.
Mais c'est couplé à tout.
Puis au fait que nous avons continué à nous rapprocher. Très proches sur tous les plans, intellectuellement, physiquement, à l'assoc, chez le co-stagiaire où nous sommes retournés plusieurs fois après. Un jour, au pot de départ de la directrice, et alors que je tiens très bien l'alcool, j'étais pompette d'avoir bu trois verres, champagne, vin blanc. J'étais morte de rire pour rien, et marchait un peu de façon hésitante. Il m'a raccompagnée à pied jusqu'à la gare (je prenais le train), m'a laissée seulement une fois sur le quai, j'ai trouvé ça adorable.
Chez lui, nous n'avons jamais été si proches. Comme s'il se méfiait de lui, ou je ne sais pas. Ou si d'un coup ce qu'il avait déclenché lui faisait peur.
Puis, après la soirée chez Pierre (pas l'usager, un ami), dans la villa de son père, où Frédéric avons passé la nuit ensemble, juste en s'embrassant, se serrant et se caressant, j'ai mis le sujet sur la table.
Réponse: pour lui c'est de l'amitié, mais qu'il est un homme et moi une femme avec tout ce qu'il y a de désirable, d'où parfois... Mais que pour mon bien, une amitié serait mieux, que je gérerais mieux, que dans sa vie, les amitiés duraient plus longtemps, etc.
Je ne lui reproche rien.
Il a raison.
C'est moi qui ai trop besoin d'affection, trop besoin de contact physique, alors que je peux être si froide quand je n'ai pas "choisi" la personne.
La dernière fois, j'ai trouvé ça encore mieux. Cette impression qu'il s'abandonnait, qu'il aimait ce que le lui faisais, comme moi j'aimais ce qu'il me faisait.
Quand j'étais adolescente, mes parents ont toujours dit que ce n'était pas de mon âge d'avoir un copain, que les filles qui en avaient étaient des trainées. Je me souviens de ma mêre disant à une connaissance, alors que j'avais treize ou quatorze ans: "pour l'instant elle est mieux avec sa maman".
Ma mêre n'a pas arreté aussi de me dire que si j'étais intelligente je ferais mieux de ne jamais me marier, parce que les hommes ceci ou celà. Pourtant elle est toujours avec mon père, et pas de divorce à l'horizon.
Et que j'allais grossir si je mangeais trop. Alors que petite on me disait que j'allais disparaitre tellement j'étais maigre (grande pour mon âge, très mince, blonde très claire).
Frédéric ne me rend pas malheureuse. Enfin si. Mais quand je le vois il me rend heureuse. Il me rassure. Sans me rassurer. Il s'enfiche que je boive sans sourciller une demi-bouteille de vin pendant que lui boit l'autre moitié. Il rit de mon humour un peu trash, ne s'offusque pas de mes idées, les salue même. Nous pouvons tricoter un plaid zezette (des carrés de laine aux couleurs hétéroclites que nous fixons ensemble pour en faire un plaid), et discuter après sur des sujets politiques. Il apprecie ma sensibilité, me dit que je pourrais peser 100 kilos ou 50, pour lui ce serait pareil.
Mais il me rend malheureuse quand même. Ce n'est pas de sa faute. Je ne sais pas pourquoi il ne me touche plus comme avant, chez co-stagiaire ou à l'assoc. Ou si, peut-être justement pour ne pas entretenir d'ambiguuïté, ou parce qu'il craint, sans public, l'issue. Je ne sais pas.
Est-ce qu'être amoureuse c'est être malheureuse?
Pour moi, pour l'instant, oui.
Puisqu'à chaque fois que je l'ai été, ça m'a rendue malheureuse au moins autant qu'heureuse.
Et qu'être aimée et aimer, ou vice versa, je ne sais pas ce que c'est.
Du moins aimée comme j'aime.
Non, vraiment, il faudrait vraiment que j'aille consulter. Mais la dernière fois, il y a trois ans, le psy que j'étais allée voir s'est assoupi dans son fauteuil lors de ma quatrième consultation. Je sais bien que non, je n'entends pas de voix, je n'ai pas le sensation d'être disloquée, mais quand même... Je n'y ai plus jamais mis les pieds ensuite.
Lecture: Fenètres, de JB Pontalis, très bien écrit! Prêté par Frédéric, je l'ai lu d'une traite, interessant, troublant, interloquant.