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UTOPIE
22 juillet 2006

Encore une histoire de regard

J'ai reçu, pendant ma permanence au Centre médico-psychologique hier après-midi, une jeune fille de 25 ans et sa mère. Une blonde au teint très clair, avec des yeux immenses d'un bleu limpide. Psychose déficitaire m'a appris l'infirmière ensuite. A 16 ans, lors d'un voyage de classe a priori, elle a fait une crise de décompensation. Depuis, l'évolution a été très rapide. Malgré suivi psy, médocs etc. Hier j'ai rencontré cette jeune fille pour la première fois. Elle avait été suivie par la collègue que je remplace pour son dossier AAH. Trois ou quatre rencontres.

Je raconte tout ça, parce que c'est la première fois que quelqu'un me "perturbe" en entretien. Pas au sens d'être "inquietée", ou au sens de ne pas maitriser le fil des échanges. Non, perturbée.
Une mère assez revendicatrice, un peu étouffante. Qui a monopolisé la parole durant tout le rendez-vous, ne laissant que peu sa file parler, sauf si je lui posais directement des questions, ce que je n'ai pas manqué de faire à chaque fois, quitte à demander des précisions à la mère au vu du caractère laconique des réponses. J'aurais pu exiger de ne voir que la fille. Puisque la mère n'est pas la tutrice, et n'est pas l'objet du suivi psy ou social. Mais je suis partie du principe que comme c'était la première fois que je les rencontrais, autant faire connaissance et essayer de cerner leur fonctionnement.

J'avais donc en face de moi cette fille blonde, complétement éteinte, qui m'a fixée tout le long. Sans ciller, sans bouger, rien. Avec ses yeux immenses. D'un autre côté la mère. Avec des oursins qui dépssaient de ses dessous de bras. D'un côté quelqu'un qui me fixe, de l'autre des oursins. Par cette chaleur. Mon bureau au CMP est sous les combles. Enfin bref, ce n'est pas de ça dont je voulais parler. Concentrée sur ce qu'elles me disaient, je ne savais plus à un moment où regarder, la fille qui me fixait, ou la mère et ses oursins ("ne surtout pas regarder les bras, ne surtout pas regarder"). J'avais parfois l'impression que la fille était ailleurs, partie, mais non, quand je lui posais une question, malgré le temps de réaction assez long, j'avais tojours une réponse à peu près appropriée. En fait, je raconte ça parce que ça m'a confirmer que décidément, j'ai un "problème" avec le regard. Sinon ça ne m'aurait pas génée autant. Et sinon les regards qui pétillent de Frédéric, outre le côté sexy que je leur trouve, ne me troublerait pas tant.

Je ne vais pas détailler le contenu de l'entretien. La mère revendicatrice, mais dont il faut percevoir derrière la détresse d'avoir une fille devenue comme ça. Elle n'arrêtait pas de me demander quand elle guérirait. Je ne suis pas psychiatre mais assistante sociale. J'en sais juste assez pour dire qu'on ne guérit pas de ce qu'elle a. On peut être stabilisé par le traitement, le suivi, mais pas gueri. Dur de devoir dire ça à une mère. Certes, et je sais, ce n'est pas très "social" de dire ça, mais en même temps, c'est une constatation, la fille n'aurait pas fait polytechnique avant, mais comme me disait sa mère, elle était "comme tout le monde", "elle faisait caissière vous savez, maintenant plus rien, regardez-la". En parlant ainsi avec la jeune fille à côté, qui ne cillait pas, ne réagissait pas.

Etrange entretien.

Je les revois la semaine prochaine. Peut-être pour envisager une orientation CAT. A voir avec le médecin. Et selon ce qui lui a été notifiée par la COTOREP. Peut-être que là je demanderai d'abord à voir la fille. Je ne sais pas. A voir.

Humeur: ça va. Normal.

Musique écoutée à l'instant: Punjabi Lounge, cd2. Histoire de se mettre dans l'ambiance d'un spectacle que j'aimerais peut-être aller voir. Punjabi Lounge qui ne change pas trop de mes Buddha Bar et autre Siddharta, ceci dit...

punjabi_lounge

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Commentaires
C
Bonjour,<br /> Je découvre ton blog et en particulier cette rubrique "Boulot". J'espère que tu continueras à l'alimenter.. J'aime beaucoup cette note. Elle m'a même donnée la chair de poule et cela me donne envie de savoir ce qu'est devenue cette fille "aux yeux immenses". Quand à la mère et ses "oursins", l'expression m'a fait hurler de rire !!! Bravo pour ton style !
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